La situation actuelle n’est pas propice aux découvertes de spiritueux de part le monde. Mais il n’est tout de même pas impossible de se retrouver nez-à-nez avec un whisky nouveau venu des belles terres d’Irlande. C’est ce qui nous est arrivé il y a peu avec les premiers batch de la distillerie Waterford.

L’histoire de la distillerie Waterford

Portes de la distillerie Waterford

Initiateur du renouveau de Bruichladdich au début des années 2000, Mark Reynier n’a cessé de cultiver l’image non-conformiste de la distillerie. Ouvert à grand nombre d’expérimentations diverses, il ne pouvait pas ne pas reprendre un nouveau challenge après la vente de la distillerie au groupe Remy Cointreau en 2012.

Après Londres où il s’est fait une réputation dans le domaine du vin, puis Islay avec Bruichladdich, Mark s’est donc installé en Irlande, terre de whisky. Si l’Irlande possède quelques belles distilleries de whisky sur sa route (on pense Tullamore Dew et surtout Teeling), elle n’a pourtant pas encore la réputation de sa voisine écossaise.

C’est donc à 2h de route vers le sud en partant de Dublin que l’on arrivera à Waterford, nouveau point sur la carte des distilleries d’Irlande. On y trouvera une ancienne brasserie reconvertie en distillerie. N’oublions pas que le brassage est 2/3 du travail d’élaboration du whisky. Mark Reynier l’a bien intégré en achetant cette brasserie (presque) flambante neuve. En effet, elle a été ouverte en 2004 par Diageo pour Guinness avant le rapatriement de toute la production à Dublin en 2014.

Prenez donc la brasserie, ajoutez-y quelques alambics après 1 an et 1 jour, il ne vous manque alors plus que de grain pour vous lancer !

Le terroir, au coeur de Waterford

L’orge irlandais et l’inspiration du monde du vin

Le choix de l’Irlande n’a pas été juste pour profiter d’une brasserie ultra-moderne à mi-chemin de Cork et Dublin. Mark se rappelle des livres de Bruichladdich ayant indiqué que le meilleur orge qui y a été distillé dans les années 60 était de l’orge d’origine irlandaise.

Paysage d'Irlande avec Malt

On en revient à l’expérience viticole, le but de Waterford est d’être à l’avant-garde, non seulement technique, mais aussi dans la tendance des whiskies actuels. Et pour cela, il y a un travail essentiel à faire sur la provenance de l’orge qui servira de base au whisky. Il faut savoir que l’orge distillé aujourd’hui dans les diverses brasseries écossaise peut-être d’origine diverses. Anglais, mais aussi de divers endroits en Europe, voire parfois d’Australie ! Nul souhait de suivre cette tendance à Waterford, bien au contraire. Le but est d’identifier, tracer au mieux la provenance du grain, et de s’approvisionner dans les meilleures fermes locales. Ainsi, la route du whisky en Irlande devient la route de l’orge irlandais.

Terroir, Traceability, Transparency

La volonté à Waterford est donc d’identifier, localiser l’orge, comme les terroirs dans le monde du vin. Au coeur du projet, un bâtiment, nommé « la cathédrale ». Au sein de la distillerie, elle permet de récolter l’orge de plus de 100 fermes. On y conserve, sèche, brasse, distille et élève le grain indépendamment afin de mieux faire ressortir le terroir de ce dernier.

La mission de la distillerie se résume au cul de chaque bouteille : Terroir, Traçabilité, Transparence.

Ainsi, Waterford va se fournir chez les fermiers, de plus en plus en agriculture biologique ou biodynamique. On travaille à l’identification des sols (on en décompte 15 en Irlande) et leurs spécificités (microclimat, exposition…). On suit ainsi leurs évolutions et leurs impact dans la qualité de l’orge récolté… et donc de l’expression qu’il donnera au whisky.

L’élevage chez la distillerie Waterford

Mark Reynier auprès des alambics

A la manière d’un vignoble, on trace donc chaque terroir. Chaque bouteille a pour référence ce terroir, et uniquement celui-ci. Pour répondre à la volonté de transparence, on trouvera un code sur chaque bouteille nous permettant de remonter toute l’histoire de cette dernière. De la ferme où à poussé l’orge, son climat, le fermier qui a travaillé la terre, ainsi que la composition des fûts utilisés pour l’élevage. Ces fûts, tous de grand qualité (ils représentent 30% des coûts de la distillerie), sont de différents types. On peut y trouver :

  • du chêne vierge américain,
  • du chêne français du limousin,
  • du chêne blanc américain de 1er remplissage de spiritueux,
  • du chêne français de 1er remplissage de Bordeaux (en général)
  • des chênes exotiques
  • des fûts de vins doux naturels

On parle donc de Single Farm Origin. Ce n’est pas juste un Single Malt (issu d’une seule distillerie), mais encore plus fin.

En 2015, on compte 40 fermes distillées indépendamment. Aujourd’hui, nous en sommes à plus de 100, chacune ayant environ 200 barriques. Un petit coup d’oeil à la géographie locale nous rappelle que l’influence maritime sera forte dans le vieillissement de ces whiskies (on est même pas à 15km des côtes !).

Waterford Ballykilcavan Edition 1.1

La logique du Single Farm Origin à Waterford (et la jeunesse de la distillerie) fait qu’il est difficile pour Mark Reynier de nous décrire le style de la maison… tout simplement car il est en train de se faire !

Bouteille de Waterford Ballykilcavan

Cependant, vous allez voir dans les deux dégustations à venir que l’on retrouve quelques clés…

Pour ce Ballykilcavan, l’orge a été récolté à l’été 2015, distillé en avril 2016. Conformément à la politique de transparence, toutes les informations sont disponibles ici.

C’est une cuvée de couleur très claire, avec un nez fruité, gourmand et pourtant assez végétal et herbacé. Cet équilibre entre gourmandise et végétal se retrouve en bouche. Cette dernière démarre ronde, sur le toffee, le caramel, avant de glisser sur la céréale et l’herbe coupée.

En finale, c’est la cannelle et les épices qui surgissent et s’affirment, avec l’expression de l’orge.

Pays : Irlande
Région : Irlande
Appellation : Single Farm Origin
Domaine : Waterford
Cuvée : Ballykilcavan Edition 1.1
Millésime : Sans
Prix : 79,90€

La cuvée Bannow Island Edition 1.1

Dans les deux cuvées dégustées, on retrouve le chiffre 1.1 digne d’un développement informatique. Mais que nenni, il s’agit ici de nous informer que nous sommes sur le 1er millésime de la ferme, et 1ere mise.

Bouteille de Waterford Bannow Island

Ainsi, nous pouvons avoir par la suite des 1.2 (2nde mise du 1er millésime), 2.1 (1ere mise du 2nd millésime) etc…

Comme pour sa petite soeur, toute la vie de la bouteille est identifiée sur ce lien. Je dois avouer que je trouve cette initiative de suivi et de « fiches » par cuvée exceptionnelle et exemplaire. Elle devrait être un mètre étalon pour bon nombre de spiritueux, mais également de vins !

Mais parlons de ce Bannow Island. Sa couleur est plus dorée que le Ballykilcavan. Le nez est fruité, sur des arômes d’abricot, de pêche qui s’accordent avec de belles notes de crème anglaise. Plus doux en attaque, il se révèle finalement plus sucré sur la vanille, la crème brûlée que son camarade. Les épices sont aussi plus présentes, notamment le poivre, tout en offrant une belle droiture et fraîcheur. La finale est portée à nouveau sur le malt, un indice du « style » Waterford ?

Pays : Irlande
Région : Irlande
Appellation : Single Farm Origin
Domaine : Waterford
Cuvée : Bannow Island Edition 1.1
Millésime : Sans
Prix : 79,90€

Dans les deux cas, on retrouve cette finale maltée, ainsi qu’une belle pureté et un savant équilibre entre rondeur, épices et céréales. D’excellentes premières cuvées donc !

L’avenir de la distillerie Waterford

Forcément, ces cuvées ne sont que des « 1.1 », et on a une certaine hâte à découvrir les suivantes, ainsi que les autres fermes qui ont été distillées. Cela permettra d’identifier « de visu » l’impact du terroir, de l’orge sur le whisky.

Ajoutez à cela que l’année prochaine, à la manière d’un grand champagne, une « grande cuvée » va sortir, assemblage des meilleurs single farm. Si cela vous rappelle quelques Bollinger, Krug ou Roederer, c’est normal.

Enfin, sans les prochains mois arriverons des gammes bio et biodynamiques, afin de découvrir l’impact de ces méthodes d’agriculture sur le whisky !