Suite de l’article de la semaine dernière, je vais aujourd’hui vous donner les critères – cette fois-ci totalement subjectifs – qui me font dire qu’un vin est bon.
Déjà, je me dois d’expliquer ce que j’appelle un critère « subjectif ». C’est pour moi quelque chose qui relève non pas de la qualité intrinsèque, presque analytique du produit, mais d’un moment, un contexte qui peut vous faire ressentir deux choses radicalement différentes, à partir pourtant du même vin. Afin d’illustrer cela par un exemple, je serais tenté de dire que c’est la même chose avec le cinéma. Grand fan de science-fiction, je suis obligé de m’incliner sur la qualité du film 2001, l’Odyssée de l’Espace, certainement un des plus grands chefs-d’œuvre fondateurs du style. Sauf que je ne l’aime pas. Je ne prends pas de plaisir devant. Alors peut-être qu’avec un autre contexte, dans un certain état d’esprit, je vais l’adorer. Peut-être, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. De la même façon, je vibre plus devant Before Sunset ou Toy Story 3 que devant Vertigo ou Citizen Kane. Ce n’est pas une question de qualité du film, mais une question de ressenti. Et bien ce delta existe aussi dans le vin, et je peux comprendre que quelqu’un préfère un certain vin « médian » à un grand Margaux pour la simple et bonne raison que cela lui rappelle une histoire bien particulière.
Quels sont donc ces différents critères ?
Le premier est évidemment votre goût. Si vous avez un bec acide et que pour vous les plus grands vins au monde sont les Riesling et Sancerre les plus secs, vous aurez du mal à préférer un Bordeaux rouge. Et inversement. Votre état physique au moment de la dégustation peut aussi énormément influer. Et oui, fatigué, on ne goûte pas de la même façon que quand on est en pleine forme. C’est ainsi que l’on peut passer à côté de très bons moments uniquement à cause d’un coup de mou, ce qui peut s’avérer très dommage.
L’influence de ce que l’on mange avec le vin est aussi énorme. Boire un vin moelleux sur un gibier est dommageable pour l’un comme pour l’autre. Par contre, un bel accord met/vin peut vous sublimer un repas. Je me suis vraiment rendu compte de cela sur … un Arbois du Jura ! J’avais dégoté cette bouteille durant un salon du vigneron indépendant. Donc en rentrant je m’étais dit qu’il serait chouette de la passer sur un accord met/vin recommandé par une de mes bibles : mon premier manuel de formation œnologique Recommandation du jour : Un poulet au curry. Ni une, ni deux, je pars acheter mes blancs de poulet, ma crème, mon curry et roulez jeunesse. Un vrai grand moment. L’accord était parfait, le plat répondant parfaitement au vin. Un vrai plaisir, un excellent repas, simple mais terriblement plaisant. Et donc forcément un grand souvenir du vin. Quelques jours plus tard, j’ouvre une seconde bouteille. Un autre plat, et là, grosse déception. Un vin court, qui finalement donne peu de plaisir et très typé. Je n’avais rien senti de tout cela lors de la 1ere dégustation pourtant ! Effectivement, en tant que tel, le vin n’avait rien d’exceptionnel. Sauf que l’accord avec le plat était vraiment réussi, et l’association a justement masqué cela. Si j’étais resté sur ma 1ere impression, j’aurai grandement recommandé le vin…qui finalement ne le méritait pas !
Enfin, l’une des choses les plus importantes quand on déguste un vin sont les personnes avec qui on le partage. On préfèrera un vin bu en très bonne compagnie qu’un autre, peut-être plus dans notre goût, mais bu durant un repas détestable. Une bonne bouteille entre amis est certainement une des meilleures à boire, car on partage énormément à ce moment-là. Et par la suite, à chaque bouteille que l’on ouvrira, on repensera inconsciemment à ces moments, positifs ou négatifs, et ils influeront sur notre ressenti. Car justement, la mémoire peut-être votre meilleure amie comme votre pire ennemie au moment où l’on goûte un vin. Car comme une bouteille liée à un souvenir radieux sera par défaut valorisée dans votre esprit, le contraire est aussi vrai. C’est une chose énormément mise en avant dans le manga « Les Gouttes de Dieu ». Alors oui, c’est poussé à son paroxysme dans l’œuvre, mais on ne peut pas dire que ça n’existe pas. A titre personnel, je n’ouvrirai jamais de la même façon un Coudoulet de Beaucastel, un Château Brillette et un Pommard de Chantal Lescure. Chacun possède ses souvenirs associés, et tous résonnent différemment pour moi.
La conclusion de ces deux articles n’est pas chose facile. Beaucoup de facteurs entrent en jeu pour définir si un vin est bon ou non. Les critères objectifs, analytiques sont certainement les plus faciles à suivre pour classer/noter un vin. Sauf que mettre une note sur un vin revient à en mettre une sur un film, un tableau ou une chanson. C’est une note absolue, académique. Sauf que l’on est dans un domaine où l’académique joue un rôle certes, mais bien moins important que l’émotion. Et cette émotion peut venir de critères uniques pour chacun d’entre nous, en fonction d’une personne, d’un accord ou d’un contexte. Sur une même bouteille, la même personne peut ressentir des choses différentes à deux moments différents. C’est aussi ce qui fait la richesse du vin : plus qu’une boisson, c’est un moyen d’expression faisant naître des sensations chez celui qui en boit.