Il était une fois une petite faille géologique. Jalouse de sa copine la plaine qui lui faisait face, elle ne savait comment se présenter sous son meilleur jour. Alors que sa voisine était toute proprette, toute droite comme un i avec un sous-sol régulier, notre petite faille était bien loin de ce « canon ».
La Bresse sa voisine était carrée, joliment composée d’argiles et de marnes imperméables. Notre faille était elle plus proche du mille feuille : du calcaire dur, des marnes, des calcaires tous aussi originaux les uns que les autres (du Callovien, du Bathonien supérieur ou moyen)… en quelque sorte, elle se trouvait toute défigurée par rapport à sa fière voisine.
Jusqu’au jour où quelques hommes un peu aventureux tentèrent des expériences avec notre faille. « Allons donc ! » se disait la faille, « que font-ils ses fous ? A me défigurer encore plus avec ces espèces de petits fruits noirs ou blancs qui vont venir aspirer le peu qu’il y a dans mon sol ? Comment pourront-ils faire pousser quoi que ce soit ? Pas une de mes couches sont régulières, et encore moins exposées de la même façon ».
Sauf que la faille sous-estimais la ténacité des hommes, qui pendant des millénaires, feront tout pour comprendre toutes les subtilités de cette faille, aussi bien au niveau géologique qu’au niveau climatique. Les hommes firent tant d’essais, et tant que découverte qu’un jour ils donneront même un nom aux spécificités de cette faille : Les Climats.
Pour notre faille, ces Climats n’étaient qu’une aberration : Après tout, pourquoi donner un nom à cette pente si étonnamment exposée composée de marnes de l’Oxfordien moyen ? Pourquoi dire qu’ici, nous sommes sur les terres du Corton-Charlemagne, et pas sur les terres du Montrachet ou de Richebourg par exemple ?
Puis un jour, notre faille eut cette illumination : ce qui pour elle n’était qu’une couche géologique avec toute une histoire remontant à quelques millions d’années était pour les hommes finalement une richesse sans nom. Car ces couches, par leurs sols, leurs orientations, offraient une matière première inestimable. En les empruntant à notre petite faille et en apprenant à en tirer ce qu’il y a de meilleur, les hommes ont su sublimer ce qui faisait la honte de notre faille face à sa voisine : ses imperfections, ses fêlures et sa composition torturée. Sans ces couches, pas de terroir qui offre cette puissance, cette élégance et ce charme à ces vins.
C’est ce jour que notre faille comprit qu’elle n’était pas une verrue face à sa voisine la plaine, mais une richesse, un bijoux pour les hommes qui ont apprit à l’aimer. Et c’est maintenant avec fierté qu’elle s’élève, de Dijon à Chalon, cette faille qui donne les vins de la Côte de Nuits et de la Côte de Beaune. Et certains peuvent bien tenter de la comprendre, de dire que le terroir n’est qu’une histoire de bactéries, elle sait que sa richesse, son terroir est inexplicable et gardera toujours une part de mystère. On n’explique pas une telle diversité et une telle histoire qui remonte à l’origine des temps par quelques bactéries. Non, cette expression du terroir, c’est un conte, alliant histoire, tradition et magie.