Suite à un voyage de quelques jours en terres hongroises – Budapest pour être précis – je vais vous proposer quelques articles autour du pays. Le vin de Hongrie, mes notes de dégustations, un petit passage sur les bars à vins et cocktails de Budapest, j’espère que ce voyage vous plaira autant qu’il m’a plu !
Commençons donc par faire un rapide tour des vins hongrois qui, contrairement à ce que l’on pense, ne sont pas tous des Tokay ou Tokaji (prononcer Tokaï) moelleux…
Les différents types de vins en Hongrie
Déjà, il faut savoir que la Hongrie produit des vins de toutes les couleurs (mais majoritairement du blanc à 70%), sur 140 000 hectares répartis en 22 régions distinctes à l’ouest et au centre du pays. On y trouve pas moins de 300 cépages, bien que seulement 27 dépassent 1% de représentativité. Avec une « petite » production d’environ 4 millions d’hectolitres, le pays se situe dans les 15e rangs mondiaux, ce qui est comparable à la Grèce.
On est donc surpris par la richesse des cartes des vins (bien souvent, on ne connaît pas une seule référence présente), et aussi par la qualité générale des produits ! Dépaysant et agréable dans un monde où on est souvent confronté à des cartes similaires, qui offrent des vins « classiques » et finalement assez internationalisés. Mais faisons donc un premier aperçu des vins hongrois, avant un prochain article de dégustation plus détaillé…
Les vins blancs et effervescents
Mon expérience sur les vins effervescents fut assez réduite (une seule bouteille), donc je m’appesantirai plus dessus sur cet article.
Les vins blancs que j’ai goûtés avaient tous (ou presque) une typicité presque rhodanienne. A l’aveugle, j’aurai facilement donné un St. Joseph blanc par exemple sur quelques produits. Assez amusant parfois, sans non plus offrir des vins mémorables.
Les vins rouges de Hongrie
Là je dois dire par contre que j’ai été bluffé. Quelques rouges évidemment étaient un peu “internationalisés”, très forts, bien passés au bois, en même temps, il est difficile de passer à côté de nos jours.
La spécialité locale est surtout le “sang de taureau” ou Bikavér. Il vient de la région d’Eger au nord de la Hongrie (un peu la Bourgogne hongroise). Il est essentiellement composé de kadarka (cépage historique de la Hongrie et Bulgarie, appelé Noir de la Moselle ou Raisin Turc chez nous). 12 autres cépages peuvent être ajoutés dans sa composition : le pinot noir, le cabernet et le merlot étant les plus fréquemment utilisés.
La région de Villany au sud serait plus quant à elle le Bordeaux hongrois. En effet, elle propose des vins essentiellement issus de cabernet (franc comme sauvignon) et de merlot.
Durant ce voyage, je suis tombé sur des vraies perles, et notamment sur un certain Infusio sur lequel je reviendrai sur le billet de dégustation…
Les vins de Hongrie méritent d’être connus
Dans l’ensemble, j’ai trouvé les noms des vins plaisants. Certains se sont internationalisés en vendant avant tout un nom de cépage (comme on en trouve aux USA ou au Chili par exemple). En face, beaucoup ont conservé leurs noms historiques, symboles d’une région, d’un terroir. Comment ne pas craquer face à cela ? On sent d’ailleurs une certaine fierté de ces vins, de ces sols. La Hongrie semble produire pour faire du bon plutôt que de faire du vendable. Et je dois dire que j’aime ça.
Mais attardons nous maintenant sur la spécialité locale, les blancs moelleux, ou Tokaji…
Les Tokaji
La Hongrie est particulièrement célèbre pour ses Tokaji (vous pouvez aussi écrire Tokay, ou Tokaj si vous vous la pétez), vins blancs moelleux classés par « Puttonyos » qui indiquent aujourd’hui la teneur en sucre et le niveau de vieillissement. Un petit tableau valant mieux qu’un grand discours, le voici (merci Wikipedia) :
Appellation |
Teneur en sucre (en grammes par litre) |
Vieillissement minimum (dont en fût) |
Szamorodni |
0 à 10 g/l |
2 (1) ans |
Szamorodni doux |
mini 10 g/l |
2 (1) ans |
Aszú 3 puttonyos |
mini 60 g/l |
3 (2) ans |
Aszú 4 puttonyos |
mini 90 g/l |
3 (2) ans |
Aszú 5 puttonyos |
mini 120 g/l |
3 (2) ans |
Aszú 6 puttonyos |
mini 150 g/l |
3 (2) ans |
Aszú eszencia (au-delà de 6 puttonyos) |
mini 180 g/l |
3 (2) ans |
Eszencia |
mini 250 g/l |
3 (2) ans |
Historiquement, ces “puttonyos” étaient calculés différemment. Effectivement, une fois les vendanges faites (à la main je vous prie), les raisins sont mis dans des paniers de 25kg nommés puttony. Ils seront ensuite malaxés pour en faire une pâte nommée pâte aszú. Pâte qui sera alors utilisée pour extraire plus facilement les sucres et arômes. Une fois ce mélange fait, il sera alors pressé puis remis à fermenter.
Deux méthodes de production du Tokaji
Deux solutions s’offrent alors : Mélanger la pâte aszú avec un vin sec dans un bac avec une cheminée ajourée au milieu, le seul poids des grains les uns sur les autres libérera un liquide visqueux très sucré. Après une fermentation languissante, il donnera l’Eszencia, le nectar, qui sera vieilli au moins 10 ans. De par la forte teneur en sucre de ce jus, la fermentation alcoolique sera très longue. De fait, le vin n’excédera jamais ou presque une teneur alcoolique aux alentours de 5°.
La seconde méthode consiste à récupérer l’aszú et de le faire macérer 24 à 48h dans un vin blanc sec de base. C’est alors la quantité d’aszú qui déterminera le nombre de puttonyos. Et oui, 25kg d’aszú dans un tonneau de 136 litres (nommé Gönc) vous fait 1 Puttony. Bon, comme il en faut 3 au minimum, on comptera donc 75kg d’aszú pour un tonneau de Gönc sur un Aszú 3 Puttonyos. Simple non ?
Notez que cette méthode est radicalement différente des autres méthodes de fabrication de vin liquoreux. La macération de la pâte d’aszú directement dans un vin blanc n’a rien à voir avec l’élaboration d’un Sauternes ! Et bien sachez que le Tokaji est certainement le plus vieux des liquoreux de l’histoire, et que Louis XIV le nommait “le vin des rois, le roi des vins”.
Les cépages du Tokaji
Les cépages utilisés dans l’élaboration du Tokaji sont 4 :
- le furmint (utilisé en moyenne à 60%),
- le hárslevelü (indigène, de l’ordre de 30%),
- le sárgamuskotály (que l’on connaît mieux sous le nom de muscat blanc à petits grains)
- le zéta (qui a un autre nom vachement classe, l’oremus).
Comme nous pouvons nous en douter, ces cépages sont récoltés botrytisés (atteints de pourriture noble), tout comme pour les vendanges tardives alsaciennes ou nos Sauternes.
Il existe aussi des Tokaji secs, (et donc pas uniquement des liquoreux). Cependant, ils sont beaucoup moins connus.
Voilà donc un rapide aperçu de mes sensations sur les vins hongrois, et objectivement, le Tokaji n’est pas tout là-bas. J’ai vraiment été ravi de découvrir ces vins, ainsi que d’autres qui méritent réellement que l’on s’attarde sur eux (ici).