Suite et fin de l’article sur la dégustation verticale de Pichon-Longueville Baron que vous avez pu lire il y a deux petites semaines.

Le style Pichon-Longueville Baron

Sur la décennie 2000 (donc de 2001 à 2009), on constate une qualité d’une constance tout à fait remarquable. Alors oui, le 2007 est tout en élevage et vieillira avec moins de réussite que le 2005 ou 2009. Mais il reste malgré tout un grand vin. Les différences entre les millésimes se ressentent nettement, et il est tout à fait normal que l’on puisse avoir des préférences. Cela étant, et c’est ce qui fait la renommée de ces grands châteaux, il est rare de trouver un vin qui soit « passé au travers », un vin creux, sans grand intérêt. Chaque millésime a sa typicité, mais une belle qualité, constante en termes d’équilibre  comme de palette aromatique, et qui reste la colonne vertébrale de ces  vins.

Le style Baron Pichon-Longueville en tant que tel est typiquement de Pauillac. Des vins puissants, d’un équilibre remarquable appuyé sur une charpente solide, d’une grande profondeur. La prédominance du cabernet-sauvignon est pour beaucoup dans ce style, ce cépage ayant pour caractéristique d’être très élégant, mais sur la réserve. Ce n’est pas un cépage enthousiaste comme le merlot avec qui il s’assemble très bien. C’est rigoureux, mais solide et profond.

Mes préférences dans cette dégustation

Au-delà de la partie « analytique » de cette dégustation, j’aimerais revenir sur mes vins « coup de cœur ». Par principe, je ne parlerai pas des millésimes 1996 et 1990 (je vous les garde pour le prochain paragraphe 😉 ). Je resterai donc sur les années 2000.
J’ai adoré le millésime 2001. Déjà pour sa maturité (on ne peut pas attendre la même chose d’un 2009, et j’aime les vins plutôt évolués). Mais ce n’est pas son seul argument. C’est un vin qui avait encore une tension intéressante malgré son âge, ce qui lui conférait une fraîcheur, une vie. Il associait donc de la plus belle des façons le côté corpulent et élégant des Pauillac avec la finesse et la fraîcheur. D’une belle franchise, c’était vraiment un beau vin.

verticale-pichon-longueville

Mon second choix s’est porté sur le 2006. Classique dirons-nous, 2006 étant une année marquée par une certaine acidité (et oui, je suis faible face à cela). C’est un vin totalement imparfait, mais de fait doté d’une certaine folie et fraîcheur enrobant parfaitement le côté très structuré et tannique. Un peu comme un adolescent plein de rêves, on sait que ce vin ne restera pas toute sa vie aussi fou, mais que ce petit quelque chose lui apportera beaucoup plus tard.

Enfin, j’ai eu aussi un beau coup de cœur sur le millésime 2004. Axé sur la finesse, c’est une bouteille qui ne cherche pas à vous impressionner. Elle est là, simple, et se montre très agréable à boire. De ce genre de bouteille que l’on ouvre durant une soirée entre amis. On parle, on rit, on discute et soudain… on se rend compte que c’est l’heure du dernier métro et que la bouteille est finie. Elle n’a pas cherché à vous impressionner par sa présence, elle ne s’impose pas, elle vous accompagne simplement. 2004 est de ce genre de bouteille que l’on n’a pas vu se terminer, ce genre de bouteille si agréable.

L’évolution du style Baron Pichon-Longueville

J’ai fait un constat durant cette dégustation. J’ai eu deux vrais gros coups de cœur pour les millésimes 1990 et 1996, tous les deux superbes (dans les meilleures années de cette décennie, et qui plus est en plein apogée). Mais au-delà de leur âge, j’ai aussi ressenti quelque chose de particulier : Le style de Pichon-Longueville a vraiment évolué entre la décennie 1990 et cette première du nouveau millénaire.

Car les bouteilles de 1990 et 1996, aussi plaisantes soient-elles aujourd’hui, montraient une rigueur, un côté « élégance à l’anglaise » que les bouteilles des années 2000 n’avaient pas. Et je suis prêt à parier que ces bouteilles, après quelques années (moins de 10 ans de vieillissement), ne montraient pas ce côté facile d’accès qu’ont les bouteilles des millésimes 2001 à 2009.

Car on le sent clairement, les bouteilles « récentes » sont faites pour être tout le temps bonnes. Basées sur le fruit et une certaine exubérance dans leur jeunesse, elles s’assagiront avec l’âge afin de prendre un visage plus « gentleman anglais » après quelques années. Et c’est un peu la philosophie de l’époque : Il nous faut une certaine immédiateté, que tout soit bon, tout de suite. 0 patience, le règne de l’instant.

Sauf que cette règle s’appliquait moins dans les années 1990. On pouvait alors se permettre de mettre en bouteille des vins plus fermés, en sachant pertinemment qu’ils devaient attendre au moins une décennie pour montrer ce dont ils étaient capables. On en arrive à deux philosophies différentes : L’une privilégiant le style « classique » de la région (des vins austères en jeunesse qui s’affirment en évoluant), l’autre la mode du moment (un vin toujours bon). Est-ce un mal ou un bien, je ne me permettrai pas de juger avant d’avoir bu une bouteille de 2003 ou 2005 d’ici 2030 environ. Quand ce sera fait, je serai mieux en mesure de dire si la stratégie était la bonne – du moins à mon goût.