Barolo, une histoire entre tradition et modernité (2/2)

Suite de notre saga sur l’histoire du Barolo. Si vous avez raté la première partie, elle est ici ! Après avoir vu l’histoire, et notamment la « guerre du Barolo », il est important de se focuser sur l’essentiel : ce que cela donne dans la bouteille. Pour cela, nous avons rencontré 5 vignerons de Barolo. Quelques uns sont des Barolo Boys, d’autre des domaines ancrés dans l’histoire… mais dans tous les cas, chacun a su prendre le meilleur de ce qui a été fait pour produire ces vins, tous fabuleux.

Le style traditionnel du Barolo

Alors oui, même si aujourd’hui il est bien difficile de trouver à Barolo un assemblage de tous les villages, exclusivement vieillit en borri (grandes barriques de plusieurs milliers de litres), on a tout de même des vignerons plutôt attachés à un style « traditionnel ». En voici quelques dégustations.

Cascina Fontana de Mario Fontana

Commençons par certainement le Barolo le plus « traditionnel » que nous ayons rencontré, celui de Mario Fontana. On parle ici d’une production assez confidentielle, le domaine Cascina Fontana ne comptant que 7 hectares pour moins de 50 000 bouteilles produites par an. La vision de Mario Fontana est de produire du Barolo de manière traditionnelle, en mélange des 4 villages sur lesquels sont ses vignes (Castiglione Falleto, Serralunga, La Morra et Perno) qui vieilliront dans de grands fûts.

Vin rouge – Cascina Fontana – Barolo Classico 2020

Un vin qui surprend d’abord par un nez net, puissant et présent sur la cerise griotte, typique de l’appellation. Bien qu’en méthode « traditionnelle », les tanins sont déjà très bien intégrés, presque poudrés sur une bouche mêlant à la fois fluididté et puissance.

Vin rouge – Cascina Fontana – Barolo del Comune di Castiglione Falletto 2021

Petite entorse au réglement traditionaliste, ce Barolo est produit exclusivement à partir des vignes basées sur la parcelle historique familiale sur la commune de Castiglione Falletto. Le nez est d’une très grande délicatesse, où la truffe commence déjà à se mêler à la griotte.
La bouche est encore en train de se stabiliser (le vin est très jeune), mais la force tranquille est déjà là et assumée. C’est puissant mais très délicat (très bourguignon nous risquerons-nous à dire ?). Les tanins sont très précis, superbement déjà intégrés.

Un grand vin de garde qui se révèlera dans 10-15 ans !

Le site de Cascina Fontana

Marchesi di Barolo

Autre taille de structure, autre vision de la tradition. Marchesi di Barolo est la plus ancienne cave de Barolo, en héritage direct avec la production historique de Juliette Colbert et Tancredi Falletti (avec un petit passage entre les deux par une fondation contrôlée par l’église entre la mort des fondateurs et l’interdiction en 1939 par le régime de Mussolini que l’église gère une entreprise lucrative). On est ici sur un domaine qui couvre près de 100 hectares et est capable de retrouver des vins dans son oenothèque depuis 1938 !

Si quelques barriques françaises sont présentes en héritage de la guerre du Barolo, elles côtoient quelques borri datant de l’époque de Juliette Colbert, rien que ça !

Vin rouge – Marchesi di Barolo – Barolo del Comune di Barolo 2018

Mélange de différents crus basés sur la commune de Barolo, c’est le plus « traditionnel » des Barolo du domaine. Son nez est en douceur, avec évidemment la griotte, mais également du clou de girofle et un côté légèrement poivré.

En bouche le vin est fluide, les tanins sont plutôt discrets mais bien intégrés. L’acidité est puissante, accompagnant une charpente plutôt solide. Un vin qui mérite quelques années de vieillissement encore, mais déjà bon à boire.

Vin rouge – Marchesi di Barolo – Barolo Cannubi 2018

Petite entorse à cette première partie, nous allons ici tremper nos lèvres dans un Barolo parcellaire, sur la parcelle historique de Cannubi. Si elle est réputée comme étant le berceau de Barolo, c’est aussi elle qui revient régulièrement comme LE grand cru de la région. La production est limitée (moins de 10 000 bouteilles par an pour le domaine).

Le nez est surprenant. La cerise noire est en retrait au profit de belles notes florales. Elle s’accompagne de belles épices (poivre, baies et clou de girofle). La bouche est d’une grande finesse, presque légèrement déceptive par rapport à l’explosivité du nez. La charpente moyenne s’associe d’une belle acidité et des tanins bien fondus. Les épices reviennent en finale sur une belle longueur.

Le site de Marchesi di Barolo

Le style moderne du Barolo

Passons maintenant aux styles plus modernes, à base de barriques et de production plus parcellaire. Encore une fois, les producteurs ne sont plus 100% modernes (ni 100% traditionnels), mais on retrouve ici un style spécifique.

Michele Chiarlo

Le domaine est un gros producteur de la région, travaillant plus de 150 hectares (et une production d’environ 1 million de bouteilles, pas exclusivement sur Barolo mais l’ensemble du Piémont). Ils ne travaillent presque qu’exclusivement en barriques françaises.

Vin rouge – Michele Chiarlo – Barolo Tortoniano 2019

Un assemblage de deux villages de Barolo : Cerequio et Verduro. Un nez très chaleureux avec de la griotte confite et un peu de chevrefeuille. La bouche est discrète, moins lourde et chaleureuse que le nez. Des tanins encore très présents qui méritent quelques années pour s’affiner.

Vin rouge – Michele Chiarlo – Barolo Cannubi 2018

Retour sur ce terroir du Cannubi avec ce parcellaire de Michele Chiarlo. On retrouve le nez complexe de ce terroir où la griotte, les épices comme le clou de girofle ou le chevrefeuille côtoient la truffe fraîche.

La bouche est d’une belle fluidité, portée par les beaux arômes champignoneux. Les tanins sont bien travaillés, à la limite de l’astringence.

Le site de Michele Chiarlo

Sandrone Luciano

Le « Barolo Boy » s’est éteint en 2023, mais le domaine est toujours là, bien vivant et perpétue la mémoire de son créateur. Parti à la fin des années 70 avec à peine 12 rangs en Cannubi vinifiés dans son garage, Luciano Sandrone a construit un domaine iconique de la région. Aujourd’hui, le domaine n’est pas à proprement parler le plus « moderne » car la culture a toujours été de prendre le meilleur des deux visions. Le travail est notamment fait sur des barriques de 500 litres… entre autre !

Vin rouge – Sandrone Luciano – Barolo Aleste 2019

Anciennement le Cannubi Boschis, la cuvée a été renomée en l’honneur des petits-enfants de Luciano, Alessia et Stefano. Et ce Barolo Aleste est grandiose.

Son nez est franc, d’une grande élégance, sublime autour de petites baies rouges et d’une griotte fraîche et croquante. En bouche, le vin fait preuve d’une nervosité impressionnante. Les arômes du nez sont là, portés par des tanins puissants et maîtrisés, le tout avec une trame acide franche. Un vin déjà excellent mais qui saura se patiner de manière sublime pendant quelques années.

Le site de Sandrone Luciano

Mais pourquoi choisir ?

On l’a vu, il n’y a plus vraiment aujourd’hui de réel chisme entre les traditionalistes et les modernes à Barolo. Chacun a bien une préférence, mais tous s’inspirent mutuellement afin de faire gagner en qualité les vins. Néanmoins, il en reste quelques uns qui ne se revendiquent ni de l’un ni de l’autre. Font du parcellaire mais vieillis en borri avec pour seul but de faire des vins qu’ils aiment. Nous l’avions déjà rencontré par le passé, c’est le cas du domaine Giacomo Fenocchio.

Giacomo Fenocchio

Perché sur les hauteurs de Monforte d’Alba, le domaine exploite environ 18 hectares pour 100 000 bouteilles produites. Ici, on travaille le Barolo par village. Bussia qui est le principal pourvoyeur du domaine (environ 1/3 de la production), Villero (environ 1/10e) et Cannubi (moins de 3000 bouteilles).

Vin rouge – Giacomo Fenocchio – Barolo Bussia 2020

Dès le nez, on sent le vin qui est axé sur la gourmandise. C’est riche en fruits rouges tout en restant serein et complet. Complet, c’est aussi ce que l’on pense en prenant le vin en bouche. Sa charpente est solide, les tanins bien intégrés, l’acidité nette et les fruits nouges croquants. Le tout persistant sur une belle longueur.

Vin rouge – Giacomo Fenocchio – Barolo Villero 2020

Déjà notre chouchou lors de notre dernière visite…et il faut avouer qu’il le reste. Moins explosif que le Bussia, on est ici plus délicat, plus fin. Les petits fruits rouges sont nombreux et gourmands. La bouche est fine, des tanins moins nombreux mais d’une belle texture, posés sur une acidité mordante et une longueur… superbe.

Vin rouge – Giacomo Fenocchio – Barolo Bussia Riserva 90dì 2019

Last but not least, nous reprenons le Barolo Bussia Riserva 90 dì qui n’est produit que dans les meilleures années. Oui, car le vin va « subir » une macération de 90 jours, avant de passer 4 ans en foudre et 1 année en bouteille. Sa concentration est donc grande, ce que le nez ne laisse présager que par un côté un peu balsamique tout en discrétion.

En bouche en revanche, c’est une évidence. La structure est réellement puissante, l’acidité tranchante et on retrouve ce côté balsamique affirmé. Un vin qui a mis longtemps à se faire et qui peut vieillir longtemps.

Le site de Giacomo Fenocchio