On a tous « notre » star. Pour certains, ce sera Francis Ford Coppola ou Martin Scorsese, pour d’autres, Mike Patton ou Michel Petrucciani, enfin, certains rêvent de rencontrer Georges Blanc ou Michel Troisgros. Pour moi, mes stars sont Dominique Lafon et Christophe Roumier. Et c’est ce dernier que j’ai eu la chance de rencontrer durant une dégustation qui se déroulait lundi dernier entre les murs d’un grand « supermarché » du vin à deux pas de la Madeleine.
Christophe Roumier, l’homme derrière le vin
Ce qui m’a frappé quand j’ai vu Christophe Roumier, ce sont ses mains. L’homme est grand, élégant et discret, mais possède de vraies mains d’agriculteur. Des mains usées par le travail de la terre, des mains marquées par le travail noble de la vigne et des terroirs qu’il anime, auxquels il donne vie au travers de ses vins.
On a tendance à dire que les grands vins de Bourgogne sont à l’image des vignerons qui les travaillent. Et c’est exactement le cas des vins de Christophe Roumier. Tout comme lui, ses vins sont élégants, complexes et accessibles. Et tout comme les mains de Christophe Roumier, ils sont profondément liés à leur terre, aux climats d’où ils viennent.
La dégustation des vins de Christophe Roumier
La dégustation que j’ai faite était double, à la fois horizontale sur l’année 2008 (Chambolle-Musigny, Morey, 1er Cru de Chambolle-Musigny, Bonnes-Mares et Corton Charlemagne) et verticale sur le Grand Cru des Bonnes-Mares (de 2001 à 2008).
Verticale des Bonnes-Mares
Et comme je suis quelqu’un de joueur, je vais d’abord vous parler de la verticale des Bonnes-Mares.
Cette verticale était très intéressante, car j’ai découvert des vins très marqués par leur millésime, mais gardant toujours un bel équilibre, une grande élégance et une tension remarquable.
2006 et 2005
On reste sur des vins très charpentés (mais typiquement bourguignons tout de même). Par ordre de préférence, j’ai beaucoup apprécié le millésime 2006, excellent à boire aujourd’hui, doté d’une grande fraîcheur. Puis vient le 2005, doté d’un équilibre sans faille, à la fois tannique et acide, lui assurant un potentiel de garde phénoménal, mais étant déjà aujourd’hui brillant (mon cher voisin de table l’ayant comparé à un élève brillant entrant à la fac… pour moi, c’est plus un élève brillant au début de collège et que l’on voit promis à un bel avenir).
2001 et 2003
Les millésimes 2001 et 2003 m’ont ensuite énormément plu, dans deux styles différents. Le second commence à prendre des notes très animales, se détachant un peu de la « lourdeur » de son millésime. Aussi étonnant que cela puisse paraître, il présente des notes presque sucrées, caramélisées comme on pourrait en trouver sur un grenache ou un vieux syrah. Le 2001 est pour sa part plus « bourguignon ». Encore porté par son fruit, il présente de jolies notes d’évolution, à la fois animales et végétales. En le goûtant, on se disait qu’il était l’avenir du millésime 2008, dans le même esprit, mais présentant encore la fougue de la jeunesse… typiquement bourguignonne.
2004 et 2007
2007 se montrait quant à lui un peu court, témoin d’une année difficile, il ne semblait pas vraiment stable, doublé d’une austérité marquée.
2004 enfin était extrêmement marqué par des arômes végétaux de type « petit-pois ». Selon Christophe Roumier, ces arômes (qui marqueraient presque un côté défectueux au vin à mon goût) pourraient être dus à une forte présence de coccinelles dans les vignes (et donc dans les cuves) cette année-là, ou bien à un éraflage bien trop faible. Quoi qu’il en soit, c’est clairement le millésime qui m’a le moins accroché.
Horizontale 2008 de Chambolle-Musigny
Tel Christopher Nolan dans Memento, maintenant que je vous ai raconté la seconde partie de la dégustation par cette verticale, je vais vous narrer la première partie, une horizontale 2008.
Chambolle-Musigny village
Elle a commencé par le Chambolle-Musigny « village » qui a tout d’un vrai mètre étalon pour l’appellation. D’une grande finesse et d’une belle complexité, on a clairement la tension du domaine et l’esprit que l’on retrouve dans les autres vins.
Alors oui, il est plus « simple », plus « classique », mais on aimerait tellement en goûter plus souvent de cette qualité qu’on lui pardonne tout. Le second vin était le Morey St-Denis 1er Cru Clos de la Bussière. Beaucoup plus opulent que le Chambolle, il montre une légère astringence en fin de bouche (qui s’estompera avec l’âge), ce qui est un peu dommage au vu de sa qualité globale. Il reste le vin le moins charmeur de cette horizontale.
Premier Cru de Chambolle-Musigny
On attaque ensuite deux premiers crus de Chambolle-Musigny avec « Les Cras ». Typique, c’est très fin, velouté et ciselé. Pas de défauts, on a l’impression de voir Avatar en IMAX. Très haute définition, une image parfaite.
Il serait resté mythique s’il n’avait pas été suivi du premier cru « Les Amoureuses ». Il faut avouer que j’ai une relation particulière avec les Amoureuses, dans le sens où c’est certainement un des premiers vins que j’ai eu la chance de boire. Là où Les Cras est hyper précis, Les Amoureuses est plus fou. C’est clairement une autre dimension, on en vient à se demander comment ce climat n’est pas classé en grand cru. C’est fin, terriblement souple, tendu, riche, complexe, et en même temps complètement fou.
C’est un vin de passion, qui a un côté magique que même Christophe Roumier ne peut expliquer. De ses propres mots, chaque année est différente, et il vinifie ses Amoureuses comme les autres vins. Mais malgré tout, sans explication aucune, les Amoureuses gardent cette typicité, cette magie… Finalement, la force du terroir est une certaine forme de magie…
Corton-Charlemagne
Et enfin, nous avons fini sur un Corton-Charlemagne 2008 du domaine. C’est le seul vin blanc du domaine, et Christophe Roumier nous fait part de son inexpérience (toute relative). Cependant, il est bien aidé, notamment par Dominique Lafon pour tout ce qui touche à la vigne et par Jean-Marc Roulot pour l’élevage… On a vu pire conseillers ! Le Corton-Charlemagne est brillant, d’une complexité intéressante sans être aussi grande que les Amoureuses ou Bonnes-Mares en rouge.
En revanche, j’ai été très étonné par le relatif manque d’acidité de ce vin. Au vu de sa localisation et du travail du domaine Georges Roumier, je m’attendais à quelque chose de très tendu, ce qui n’était pas le cas.
En conclusion ?
Que conclure ? D’une, j’ai passé une soirée assez mémorable à pouvoir goûter des vins qui sont certainement ce qui se fait de mieux sur la Côte de Nuits.
De deux, j’ai rencontré un vigneron passionné qui, sans chichis ni détours, transmet sa passion de la vigne et de son sol à travers ses vins. Un magicien de la vigne qui a su nous passionner 3 heures durant, armé de ses vins, vins qui en une simple gorgée nous rappellent ce qu’est le terroir, et que ce sol, ce climat doit être respecté et aimé.
C’est quand on goûte les vins de Christophe Roumier que l’on comprend toute la subtilité et la finesse de la Bourgogne. Et c’est en sortant de cette dégustation que je confirme que la Bourgogne reste de toutes mes maîtresses celle qui me fera toujours le plus rêver.