Lundi dernier, j’ai eu le plaisir d’être convié à un « pop-up dinner » lors du festival culinaire Omnivore 2015. En toute honnêteté, j’y allais beaucoup pour les vins (corses), trop méconnus par chez nous, et qui méritent de se faire une belle place ailleurs que dans les rosés de l’été.
Nous commencerons donc par parler des vins, tout simplement parce que je l’ai décidé de manière tout à fait unilatérale.
Le second vin était un joli blanc (toujours 100% vermentino) du domaine Giudicelli 2013. Autre vigneron (ou vigneronne plutôt !), autre terroir, autre expression du vermentino. Ici, il offrait des notes plus fumées, un vin léger avec une très belle longueur et une petite finale amère qui n’était pas pour déplaire.
Deux rouges ont alors emboîté le pas. Le premier était un assemblage de Niellucciu et d’Alicante du domaine Pieretti. Un beau vin, très chaleureux, qui présente un mariage idéal entre les épices (avec en tête d’affiche le poivre), les arômes végétaux et de belles notes de torréfaction et de cacao. Un bouche ample et longue, un très beau vin donc.
Le second rouge était plus structuré. 100% niellucciu du Clos Signadore (cuvée A Mandria), il présente une belle complexité : cerises, poivre, clou de girofle, l’expression du niellucciu dans toute sa splendeur. De la structure sans perdre en finesse, un fruit bien présent, un plaisir en bouche.
Un coup de gueule envers les accords mets/vins qui ont tout simplement ruiné l’image de ces vins durant le dîner. Si les plats n’étaient pas trop mal dans l’ensemble (on passera cependant sur les noix de saint-jacques, yuzukosho, totalement déséquilibrées sur l’acidité et les épices), malheureusement peu d’accords ont fonctionné. Si l’entrée (tartelette d’amandes, endives et feuilles amères) marchait bien sur le Pumonte blanc d’Alzipratu, ce n’était pas le cas du troisième plat (épinards, hareng sec & gras de boeuf) qui avait bien du mal à trouver un terrain d’entente avec les vieilles vignes du domaine Pieretti.
La palme de la soirée revient à la création « Peanuts & Peanuts » (toi aussi, essaye de savoir ce qu’il y a dedans, à part des cacahuètes). Présenté avec la cuvée A Mandria du clos Signadore, il a malheureusement donné une bien mauvaise image du vin. Amertume renforcée, puissance du vin qui venait s’écraser sur la sucrosité du plat, je pense que l’on n’est pas loin du pire accord qu’il m’ait été donné d’essayer. Et Dieu sait que j’en ai tenté. Y compris (et surtout) des ratés.
J’en viens donc à cette question : Quel est le but d’un tel pop-up dinner ? Et par cela même, quelle est l’image que veut donner un festival comme Omnivore ? Présenter des chefs proposant des plats sortant du commun et parfaitement dressés (malgré une certaine platitude en bouche parfois déconcertante) ? Ou célébrer la gastronomie dans son sens large (et donc incluant le vin) ? Si je ne doute pas que certains viennent avec le second but en tête, je ne peux m’empêcher de penser que le premier est dominant.
Et naïvement, pour moi, c’est le second point qui devrait être à l’honneur.
Or, ici, on a l’impression que les chefs faisaient ce qu’ils voulaient, sans aucun échange avec le sommelier qui devait s’adapter tant bien que mal à ces descriptions de plats aussi vagues que « Peanuts & Peanuts » ou « Noix de saint-jacques, yuzukosho ». Youpi ! Que faire avec si peu d’informations ? Rien.
Ce qui en ressort donc : des accords ratés. Et qui dit accord raté, dit mauvaise image non pas pour le plat, mais pour les vins qui ne méritaient définitivement pas cela. Car oui, les gens viennent à un pop-up dinner d’Omnivore car ils sont convaincus que les plats seront parfaits (donc même ratés, ils penseront qu’ils sont parfaits). Et ils rejetteront l’erreur sur le vin.
Qu’en déduire donc ? Que si la cuisine du moment consiste à concevoir des plats déséquilibrés ou fades, n’ayant pour seul but que d’avoir 400 likes sur Instagram, Facebook, Twitter & co, sans penser au plaisir gustatif ni aux accords mets/vins, je pense alors qu’il vaut mieux fuir cette cuisine.
Revenons aux classiques, à une cuisine qui est faite pour le goût plus que pour le visuel.
Quelque chose qui s’apprécie en bouche.
Je ne pensais pourtant pas être un vieux con, mais par pitié, ramenez-moi ces vins sur des plats qu’ils méritent ! Je veux le Pumonte blanc du domaine d’Alzipratu sur de beaux fruits de mer, le vermentino de Giudicelli avec des saint-jacques, mais pas aussi acides. Posez ces vieilles vignes du domaine Pieretti avec un un foie gras poêlé et surtout ce Clos Signadore sur une belle entrecôte braisée ! Je veux profiter de ces vins dans leurs meilleures expressions !
En conclusion, ce repas fut vraiment dommage pour ces vins de l’île de Beauté. Tout ce mal que se donnent Pierre, Muriel ou Christophe à concevoir de très beaux vins, le tout pour les voir s’écraser sur des plats aussi désespérants qui ne les méritent pas…
Bref, buvez des vins corses, et fuyez cette cuisine à la mode. Back to basics mes amis !
Merci encore à Pierre Acquaviva, Muriel Giudicelli, Christophe Ferrandis et Bernard Sonnet pour nous avoir donné l’occasion de découvrir quelques perles de la Corse. Dans l’espoir de les voir mieux accordés à l’avenir !