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La question du bio

Les gens qui me connaissent le savent, le concept du « bio » a plutôt tendance à me faire fuir qu’à sauter acheter ledit produit. Ce n’est aucunement car je suis un adepte de junk food ni que ma grande passion est d’ingérer la plus grande quantité d’OGM et divers pesticides. Non, je n’aime pas le « bio » comme concept marketing « boboïsant », imposant son idée comme quoi c’est bio donc c’est meilleur, c’est hype et donc, ça fait vendre.

Et cette notion de « bio » m’exaspère d’autant plus dans le domaine du vin. Quel amusement (et effarement) en me promenant dans les allées du salon du vigneron ou de Lavinia de voir tous ces sigles AB, certifiant une méthode d’agriculture, mais aussi présentés comme blasons du bien-être, d’un pseudo engagement pour la nature, mais qui n’a souvent que pour but de vendre plus cher un produit qui ne sort pas forcément du lot. Le respect des règles nécessaires à l’obtention du label n’est pas plus un gage de qualité que l’étiquette « Vu à la TV » est un gage de sérieux d’un produit lambda. L’habit ne fait pas le moine.

Parce qu’un vin vendu comme bio n’est pas forcément bon. Encore une fois, je ne suis pas un fervent défenseur des pesticides dans la vigne ni des sulfites à outrance (notons d’ailleurs qu’ils sont toujours présents dans vos vins « bio »). Non, je suis un amateur des vignerons qui aiment leur vin et leur travail, labellisés bio ou non, produisant en biodynamie ou non, vendangeant à la main ou non, etc… Il n’y a pas réellement de règle établie (ça serait d’une simplicité sans ça…). Je tiens de plus à rappeler que le bio en tant que label ne valide que la méthode d’agriculture, pas la vinification. Donc en gros, je pratique l’agriculture bio mais vinifie comme un cochon, j’aurai mon label…et un mauvais vin. La belle jambe.

D’ailleurs, beaucoup de grands vignerons ne sont pas labellisés AB. Est-ce par déni de la cause environnementale ? Car ils ont LA potion miracle pour faire un grand vin et que cette dernière est un drame chimique ? Pourquoi ???
Déjà, parce que bien souvent, ils n’en ont pas besoin. Certains travaillent même en biodynamie depuis plusieurs années. Before it was cool. Et à voir leurs méthodes, les règles pour obtenir le label AB passeraient pour un danger sanitaire. Je pense notamment au Domaine Huet à Vouvray ventant la méthode Demeter (ils n’ont été que récemment inclus dans le « package bio » de Lavinia), aux productions de Dominique Lafon à Meursault et Mâcon qui travaille depuis des années dans le respect de la Terre, dans une biodynamie avancée que Jonathan Nossiter prend plaisir à présenter dans son livre le Goût et le Pouvoir. On parle ici d’une agriculture raisonnée, ne considérant pas seulement la vigne, mais aussi tout l’univers qui l’entoure, à commencer par la Terre, nourrie naturellement et sainement, dynamisée par la main de l’homme, avec l’aide de « soupes » naturelles. Certains vont jusqu’à encourager les élevages d’abeilles pour préserver l’environnement. L’impact des cycles lunaires pour planter, couper, désherber est aussi pris en compte. Le tout souvent avec une vraie volonté de qualité, y comprit durant la vinification (qui n’est pas prise en compte dans nos blasons « bio », ne l’oublions pas). Notez que, malgré tout ce travail dans le respect de la nature, Dominique Lafon n’a jamais mis une étiquette AB sur ses bouteilles.

Une autre anecdote à ce sujet est le cas de Philippe Foreau à Vouvray. Ses méthodes de culture se font dans le respect de la nature depuis toujours et mériteraient un macaron « bio certified ». Sauf qu’il ne souhaite pas s’encombrer de cela et devoir suivre des règles qui pourraient mettre en danger son exploitation en cas de mauvaise année. Alors oui, il se réserve le droit de traiter en dehors des règles « bio », même s’il respecte ces mêmes règles depuis bien longtemps. Alors soit, il est vrai qu’il n’a pas vraiment besoin du label pour vendre… mais surtout, il veut pouvoir se permettre de traiter sa vigne en cas de crise grave.

Plutôt que « bio », je suis plus sensible à la notion d’agriculture et vinification raisonnée, en accord avec la nature, avec la vigne et la terre comme matière vivante (après tout, c’est d’elle que vient la typicité du terroir). Mais produire « bio » sans respecter sa terre ni son vin dans le but d’être profitable est une aberration hype et bien vue dans les repas mondains. Sauf que je m’en moque d’être bien vu dans les repas mondains, je veux aimer mon vin, et un vin doit refléter son terroir et l’amour du vigneron. Après, il est impossible d’obtenir un nectar de qualité sans respecter un minimum sa vigne et ce qui l’entoure. Pour moi, le rendement moyen de la vigne est plus représentatif de la volonté de qualité d’un domaine que ses macarons « AB ».

Je resterai donc toujours méfiant face à un vin se revendiquant comme bio. Car il ne me garantit en rien une qualité supérieure à un non bio, et surtout, je crains que son ramage ne sache égaler son plumage. Et j’achète une bouteille pour le contenu, pas pour le contenant.

Source de l’image : Les petites chozes

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