Je me permets de reprendre et paraphraser le titre du livre de Jacques Dupont car, vous vous en doutez, ce petit billet d’humeur en partage de nombreux points de vue.
Alors oui, je pourrais réagir à la proposition du Sénat de taxer le vin au même titre que les alcools forts et la bière. Indirectement, c’est justement cette proposition qui m’a donné envie d’écrire cet article. Sauf que je n’ai pas envie de tomber dans la « facilité » qui consisterait à stigmatiser notre pays comme créateur infini de taxes diverses et variées (même si…non, j’ai dit que je ne le ferai pas). Non, ce qui me choque le plus n’est pas cette proposition sénatoriale (d’ailleurs, quitte à dire que l’alcool est mauvais et qu’il faut en limiter la consommation, je propose officiellement de récupérer l’intégralité de la cave du Sénat – je suis même prêt à prendre le transport à ma charge, c’est dire !), mais l’image perpétuellement véhiculée autour du vin.
De l’autre côté, on aime prendre des raccourcis faciles comme quoi le vin est source de nombreux maux. Que l’alcool en tant que tel soit un danger pour celui qui le consomme de manière abusive est un fait que l’on ne peut nier, en effet. Cependant, n’oublions pas que le phénomène de binge drinking (ou « biture express » dans la langue de Molière) et ses excès sont rarement fait aux grands crus, ni même aux plus abordables vins qui ont de la gueule (et un fort coefficient de buvabilité !). Je n’entrerai pas ici dans les jeux des calculs statistiques, car comme me le disait une excellente professeur d’histoire-géographie au collège : « les statistiques, c’est comme les minijupes, ça montre beaucoup mais cache l’essentiel« , mais je pense pouvoir avancer sans trop de risque que la mauvaise vodka (coupée à la boisson énergisante) et le whisky fort peu recommandable (avec du Coca lui) provoquent plus de dégâts que le contenu du premier guide des vins que l’on peut trouver en magasin. D’ailleurs, d’expérience, je l’ai vu et vécu au sein des grandes écoles : On se « ruine » rarement au Montbazillac, aux pet’nat’ ou au champagne (comme il est rare de le faire à la Grey Goose ou au Lagavulin). Non, ce sont rarement les « alcools » en cause ici.
Le problème, en jetant le bébé avec l’eau du bain, est que l’on stigmatise un domaine riche, intéressant et pouvant – après une petite formation sur le goût – apporter énormément de plaisir, même avec modération ! Je pense à certaines personnalités de la blogosphère par exemple qui dégustent sans avaler pour de sombres raisons de mini-me à venir dans les prochaines semaines. Apprendre à bien boire est un plaisir réjouissant pour les papilles, et pour le moral en général. De plus, la consommation de vin étant essentiellement faite à table, elle implique donc naturellement le partage si important pour moi. Partage d’un repas, de bons moments, de découvertes gustatives. Bref, un moment enrichissant plutôt qu’avilissant.
Surtout que cette formation au goût pourrait justement être une réussite en France ! Aujourd’hui, on interdit à un quelconque média de montrer quelqu’un dégustant du vin (c’est assimilé à une publicité et donc verboten). Sauf que quand on voit le succès croissant des émissions culinaires, pourquoi se priver aussi bêtement de la richesse de l’accord met/vin (pourtant au patrimoine de l’UNESCO, rappelons-le) ? Imaginez l’audimat de ces émissions qui pourrait alors découvrir qu’avec ces plats (que tout le monde souhaite reproduire à la maison) s’accordent parfaitement certains vins, augmentant de manière importante le plaisir de goûter (et partager) cette réalisation.
Ce n’est pas par l’interdiction de montrer le vin que l’on traitera le « problème » de santé public qu’est l’alcool. C’est par l’apprentissage, la formation du goût que l’on donnera les clés aux Français pour profiter de leur patrimoine, avec modération, mais surtout avec plaisir… le plaisir de goûter, de découvrir, de rencontrer, de partager. Et pas seulement celui de se rendre malade avec de mauvais produits (d’ailleurs, où est le plaisir à cela ?).