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Aller du vin au saké…

Si le vin joue un rôle assez crucial dans notre culture gastronomique occidentale, on a rarement tendance à aller voir ailleurs ce qui se fait. Si des accords mets et bières ou mets et whisky apparaissent, souvent à grand renfort de campagnes médiatiques, on voit plus rarement le saké apparaître sur nos magazines, sites internet divers ou blogs.

Sauf qu’on a tendance à oublier que le saké joue un rôle important dans la gastronomie japonaise, gastronomie ayant quand même le vent sacrément en poupe depuis quelques années. Pour quelles raisons oublie-t-on si facilement cet alcool de riz ? Peut-être car son exportation est minuscule : 3% de la production est exportée hors du Japon (à titre de rappel, la France exporte 30% de ses vins). Peut-être aussi car nous n’avons juste pas l’habitude d’en boire. Mais nous y reviendrons.

D’abord, qu’appelle-t’on le saké ? Le premier réflexe « français » est de penser à cet alcool de riz, fort, que l’on donne à la fin du repas dans les restaurants chinois. Donc rétablissons cela dès maintenant, dans le restaurant chinois, ce n’est pas du saké mais du méiguīlù jiǔ qui vous est servi. C’est un alcool de sorgho aromatisé à l’extrait de rose et titrant aux alentours de 50%. Rien à voir donc avec le saké qui est un alcool de riz.

La réalisation du saké est un peu complexe, mais pour faire simple, le riz récolté va être poli afin de lui supprimer les graisses et l’albumine, ne laissant donc qu’un cœur plus riche en amidon. Le grain peut donc avoir un degré de polissage plus ou moins grand, allant de 35% à 77% (le grain de riz restant étant minuscule). Evidemment, le degré de polissage du riz joue sur la qualité du breuvage : Il est coutume de dire que plus le riz est poli, plus le saké sera fin. Tout comme la qualité du raisin influe sur la qualité du vin, je pense que c’est une règle généralement vraie, mais pas non plus ultime. Je n’aime juste pas les règles balancées comme ça, donc voilà.

Une fois poli donc, ce riz va être cuit. A la fin de la cuisson, on détermine s’il sera fermenté ou s’il sera utilisé pour préparer le koji. Le koji provient d’une sélection du riz (environ 20%) qui sera ensemencé d’un type de champignon, nommé koji-kin. C’est le développement du koji-kin sur le riz qui donnera le koji. Une fois cela effectué, le koji est associé au reste du riz et à l’eau. Ajoutez quelques levures, et votre ensemble eau/riz/koji vous donnera une base de saké ! Ne restera plus qu’à presser tout cela et faire vieillir si besoin.

Mais venons-en au principal : la dégustation. Autant le dire directement, il m’est très dur de déguster, et donc d’apprécier les différents sakés. Comme les vins, on en trouve de différentes qualités, de différentes régions, avec des degrés de polissage divers, des élevages plus ou moins longs, des taux de sucre résiduels variables…bref, une complexité qui n’a pas à rougir de sa concurrence avec nos vins !

Après dégustation de divers sakés en provenance de diverses préfectures : Hiroshima, Hokkaido, Gumna et de divers producteurs (Ryusei, Chitosetsuru, Dassai…), je peux au moins vous dire vers quels sakés vont mes préférences.

Des exemples ? Un Junmai Ginjo (c’est l’appellation) de la marque Honshu Ichi. Le Junmai signifie que le saké est pur riz, sans alcool de distillation, et Ginjo est une appellation supérieure, fermentation plus longue et meilleur taux de polissage (au moins 40%). Ce saké me rappelait vraiment un beau sauvignon s’il fallait lui trouver un lointain cousin. Car derrière les arômes un peu lactiques et de fruits blancs, on lui trouvait une très belle acidité, des notes florales et herbacées très bien intégrées. Je pense aussi au Beyond de Dassai (très haut de gamme, avec polissage supérieur à 77%) au nez très frais, à la bouche extrêmement délicate et une belle finale longue et saline. Dans un autre esprit, le Gold de chez Born, un Junmai Daiginjo (le Daiginjo indiquant un degré de polissage supérieur à 50%), avait une bouche extrêmement parfumée, avec des agrumes très expressifs.

© Matthieu Zellweger

Bref, des sakés difficiles à déguster pour qui n’a pas le palais, mais très intéressants à découvrir et à creuser. Au-delà du côté forcément un peu snob qu’il y a à en parler (j’imagine la tête des convives en soirée en disant que ce poisson irait magnifiquement bien sur un Zenshichi de Ryusei), je pense que de beaux accords sont à creuser, offrant un nouveau terrain de jeu pour qui aime les vins et spiritueux.

Pour ceux qui aimeraient en savoir plus et/ou tout simplement découvrir les sakés, il y a une belle occasion de le faire sur le week-end du 31 octobre et 1er novembre durant le Salon Européen du Saké et des boissons japonaises qui aura lieu au centre des congrès Cap 15, quai de Grenelle à Paris XVe. Si vous êtes curieux de cet univers, c’est l’occasion ou jamais !

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